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Apocalypse Now
1979 - Redux 2001
Francis Ford
Coppola

Le capitaine Willard reçoit pour mission, en pleine guerre du Vietnam, de retrouver le colonel Kurtz qui, dans le jungle, au delà de la frontière cambodgienne, s'est taillé un empire sur lequel il règne par le terreur. Fou ou génie ? Willard va suivre un fleuve pour atteindre la frontière. Il assiste au bombardement au napalm d'un village vietnamien puis à un spectacle de playmates qui tourne à la débandade. Après avoir franchi le dernier pont américain, il retrouve Kurtz dans un univers d'enfer...

 

Une critique de la guerre du Vietnam
L'action du film se situe en 1969, après l'offensive du Têt de janvier 1968, c'est-à-dire à un moment où les Etats-Unis ne sont plus sûrs de pouvoir remporter militairement cette guerre, à un moment où l'Amérique commence à douter, où l'armée est ravagée par la drogue et des trafics en tout genre.
Le film, inspiré du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, 1898, est tourné au lendemain de la guerre du Vietnam, en 1975-1976, peu de temps avant l'arrivée de Jimmy Carter à la Maison Blanche, moment où l'Amérique remet en cause et critique son engagement passé en Asie du Sud-Est, qui s'est soldé par un échec.
C'est l'un des premiers films abordant directement la guerre du Vietnam. Or, cette guerre marque une véritable rupture dans les rapports entre Hollywood et l'Etat américain. En effet, jusqu'alors, le cinéma avait toujours soutenu l'engagement militaire du pays, n'hésitant pas à produire des films de propagande pendant les deux guerres mondiales (Casablanca, M. Curtiz, 1942 ou Le port de l'angoisse, H. Hawks, 1944) pour soutenir la politique du gouvernement. Avec le Vietnam, tout change. Certes, il faut attendre la fin du conflit pour voir des films traiter du conflit (Voyage au bout de l'enfer, M Cimino, 1978) et en faire une critique. Pourtant, on peut déjà apercevoir dès les années 1960 des films qui condamnent l'intervention américaine au Vietnam. Robert Altman, par exemple, avec M.A.S.H. en 1969, nous livre davantage une critique du conflit vietnamien que de la guerre de Corée.

Apocalypse Now rentre donc dans cette lignée de films très critiques sur l'engagement américain. La guerre est vue du côté américain, et la critique n'en est que plus forte. Coppola ne réalise pas un film de guerre, mais plutôt un film sur la guerre. Le parcours du capitaine Wilard sur un fleuve hostile qui le mène au colonel Kurtz ressemble à un voyage intérieur, une introspection (la voix off de Wilard est récurrente tout au long du film) et, dans le même temps, Coppola nous emmène dans un voyage vers la folie et l'horreur de la guerre que semble incarner le colonel Kurtz. Le réalisateur du Parrain nous montre aussi une certaine réalité du conflit et nous livre ses interrogations, partagées par nombre de ces concitoyens à l'époque.

Une armée gangrénée par la drogue et les trafics
L'armée américaine est gangrenée par la drogue, à l'image de Lance Johnson, un des membres de l'équipage de Willard, et surfer professionnel. Elle est aussi le lieu de trafics en tout genre, comme le montre la séquence à la base de ravitaillement : trafics de motos, d'alcool, de drogue qui sont plus importants pour le sergent que le service normal. L'armée en tout cas ferme les yeux sur cela.

Une critique de la colonisation
Pourquoi le Vietnam ? La question est clairement posée dans la séquence de la plantation française, rajoutée dans Apocalypse Now Redux. Dernière étape avant l'arrivée au camp de Kurtz, cette plantation française est comme une apparition, un lieu peuplé de fantômes surgis d'un passé colonial révolu. L'arrivée et le départ s'effectuent d'ailleurs dans le brouillard, comme pour mieux souligner le côté étrange, presque surnaturel de ce lieu et de ses habitants. Qui sont-ils ? Des colons français installés depuis des décennies qui défendent leur territoire. Cette vieille demeure coloniale est en total décalage avec la réalité de la guerre : un certain luxe, avec des serviteurs vietnamiens; on maintient les traditions françaises comme l'éducation des enfants, la cuisine, mais dans une atmosphère de chaos, comme le montre la dispute qui gagne les convives à table. Wilard est d'ailleurs plus un spectateur qu'un acteur. Ces tenants du colonialisme appartiennent bien au passé, et Coppola se livre à une sévère critique de la colonisation. Mais le réalisateur montre aussi l'inutilité de l'engagement américain dans le face à face qui oppose Hubert Desmarais, le propriétaire de la plantation, au capitaine Wilard. "Vous les Américains, vous vous battez pour rien du tout" ; c'est bien ce que pense Coppola au moment où il tourne cette scène, et ce que pensent beaucoup d'Américains à l'époque. Les soldats eux-mêmes dans le film ne comprennent pas ce qu'ils font là. Thème récurrent dans les films sur le Vietnam.

Apocalypse Now demeure un film spectaculaire, mais sa dimension épique recèle une réflexion politique qui sort du simple cadre historique, pour s'attacher au rapport des hommes avec la guerre, au rapport entre les actes individuels et leur dimension collective.

Gaëtan Chaubert (Enseignant en Histoire)

 

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