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« Journaliste », parce qu’il relate des faits auxquels il a lui-même pris part, et « sociologue », parce qu’il explique ces faits dans leur dimension profondément humaine, l'Historien Thucydide a eu conscience de faire une œuvre comme « un bien pour toujours », en cela qu’elle avait pour but de débusquer des vérités pouvant s’appliquer à d’autres temps.

Historien grec du Vème siècle avant notre ère (env. 460-395), Thucydide tient une place à part parmi les historiens : homme d’une seule œuvre, l'Histoire de la guerre du Péloponnèse, retraçant le conflit qui opposa Athènes et Sparte entre 431 et 404 av. J.C., il passe pour avoir le premier jeté les bases du travail historique, séparant désormais nettement le plan du merveilleux mythique de celui de la réalité historique.

Témoin de son temps

La vie de Thucydide est toute entière vouée à la guerre qu’il relate puisque avant d’en être l’historien, il en fut lui même un acteur malheureux : né vers 460 av. J.C., dans une famille noble d’Athènes, il reçoit un commandement militaire en 424 mais ne peut empêcher la chute d’Amphipolis. Cet échec lui vaut d’être condamné à l’exil et commence alors pour lui sa carrière d’historien qui, elle, le couronnera par delà les siècles.
Chassé d’Athènes, il se réfugie d’abord en Thrace puis, pour les besoins de son projet, il commence à voyager, accumulant nombre documents et témoignages des combattants des deux camps. Il meurt vers 395 av. J.C., laissant un travail inachevé qu’il reviendra à Xénophon de terminer dans ses Helléniques.

Un projet : la quête du sens et de l'intelligibilité

Par delà le sujet de son récit - le déroulement chronologique de la guerre du Péloponnèse- , Thucydide construit une œuvre fondamentale et novatrice par l’objectif même qu’il s’est fixé. Sévère avec ses prédécesseurs, récusant les poètes qui brodent et amplifient les faits, il ne veut s’attacher, lui, qu’à la stricte réalité historique pour « voir clair dans les faits passés ».
Se démarquant ainsi de la libre curiosité d’Hérodote, il entend adopter une attitude plus critique et plus « scientifique » afin de dégager les causes profondes et immédiates de la guerre entre Athènes et Sparte.

Un rôle : faire comprendre les événements

Son rôle d’historien consiste à établir les faits et à les insérer dans des chaînes logiques de causalités. Ainsi, le récit est-il au service de l’intelligibilité de l’histoire et, bien au-delà de l’enchaînement superficiel des événements, Thucydide s’interroge sur les mécanismes cachés du mouvement historique.
Thucydide croit en la permanence de la nature humaine et l’essence même de son travail est de dégager des vérités immuables : il décrit la guerre du Péloponnèse et ses maux qui, selon lui, existeront toujours « tant que la nature humaine restera la même. »
Il déclare vouloir faire œuvre utile en permettant de comprendre non seulement les événement qu’il rapporte mais aussi « tous ceux qui à l’avenir, en vertu du caractère humain […] seront semblables ou analogues. »

Une méthode : doute critique et rigueur scientifique

Thucydide est le premier à vouloir s’affranchir véritablement de la dimension épique du récit historique pour ne s’en tenir qu’à la vérité stricte, promouvant ainsi une nouvelle méthode d’écriture. Dès l’introduction de son Histoire, il expose sa démarche d’historien qui trouve sa substance dans la remise en cause de ce qui est communément admis.
En effet, pour lui l’histoire commence par la suspicion : témoin privilégié des événements qu’il rapporte puisqu’il en fut lui même un acteur, il se méfie néanmoins et dit la difficulté de démêler le vrai du faux. Soucieux d’une observation rigoureuse, il ne cesse de prendre ses distances par rapport à son sujet et aux sources mêmes qu’il utilise, estimant qu’« il est difficile d’accorder créance aux documents dans leur ensemble ».

Ainsi, la pratique thucydienne de l’histoire commence t-elle d’abord par la critique systématique des sources. Rapportant des faits récents, il ne retient comme information véridique que ce qu’il a vu ou ce qui lui a été rapporté par des témoins directs, après confrontation minutieuse des différents témoignages, selon la règle qu’il s’est imposée de ne jamais se fier absolument à la mémoire de ceux qui ont participé aux événements : « les hommes engagés dans la guerre jugent toujours la guerre qu’ils font la plus importante ».

« Un bien pour toujours »

Pour Jacqueline de Romilly, historienne spécialiste de la Grèce ancienne, « Thucydide ne semble avoir existé que pour s’intéresser avec passion à cette grande expérience contemporaine [la guerre du Péloponnèse] et pour chercher à en exprimer le sens ». De fait, Thucydide est bien le premier a avoir fait de la pratique historique une discipline orientée vers la recherche de l’intelligibilité des événements, il est le premier qui ait voulu discerner derrière le factuel et l’instantané « la cause la plus vraie ».

Grégory Bidault
Enseignant en Histoire


A lire

THUCYDIDE - Histoire de la guerre du Péloponnèse
Editions Robert Laffont, Collection Bouquins, introduction par Jacqueline de Romilly

Jacqueline DE ROMILLY - Histoire et raison chez Thucydide
Paris, 1956

Jacqueline DE ROMILLY - La Construction de la vérité chez Thucydide
Paris, 1990

Raymond ARON - Dimensions de la conscience historique
Chapitre V : Thucydide et le récit historique
Plon, Collection Agora, 1985.

Encyclopédie Universalis, « Thucydide », article de Jacqueline de Romilly