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La religion aux Etats-Unis. Tentatives d'éclairage et de compréhension.
 

Les présidents Reagan, Bush père et Bush fils doivent en partie leurs élections à certains groupe de pression religieux protestants, parfois proches de mouvements fondamentalistes...
Georges W. Bush est protestant méthodiste, de père épiscopalien et de mère presbytérienne. Il déclare avoir été délivré de l'alcoolisme grâce à la prière. Selon lui, sa victoire aux présidentielles n'est pas un hasard, il se croit investi d'une mission divine et pense avoir été placé là où il est, par le ciel.

La religion et la référence à Dieu sont très présentes aux Etats-Unis, aussi bien dans la culture que dans la vie politique. Depuis l'école où les petits américains prêtent serment au drapeau et à la nation "sous Dieu", jusqu'aux serments du Président sur la Bible.

Cet aspect de la société américaine remonte à l'origine même de la fondation des Etats-Unis, et même avant, lors de l'arrivée des premiers colons Prostestants (XVIIème siècle). Convaincus d'être investis d'une mission divine, certains Puritains et colons imprégnés de religiosité fondèrent dans certaines colonies (notamment le Massachussets) une société fondée sur la conviction qu'ils étaient investis d'une mission divine, celle de faire fructifier la terre qui leur avait été confiée, pour en faire une "nouvelle Sion".
A la fin du XVIIIème siècle, alors que se créaient les Etats-Unis d'Amérique, les fondateurs de la nouvelle nation en arrivèrent tout naturellement à penser qu'ils fondaient là le "temple de la liberté et phare d'espoir pour toute l'humanité". Les Etats-Unis étaient, selon eux, la résultante des meilleures idées de la civilisation européenne; dans le cadre de leur "mission divine", ils se devaient donc de créer une forme de société fondée sur la liberté, qui soit source d'inspiration pour toute l'humanité.

 

Extrait d'un article d' Yves Lacoste, "Les États-Unis et le reste du monde"
Hérodote n°109 :

(...) Certes, les puritains, les fameux pères pèlerins qui ont débarqué du Mayflower en 1620 sur la côte du futur Massachusetts étaient imprégnés d'idées religieuses, persuadés qu'ils agissaient « pour la gloire de Dieu et l'expansion de la foi chrétienne », mais il en avait été de même un siècle auparavant pour les premiers conquistadores du Mexique, qui célébraient aussi le roi d'Espagne. En revanche, ces idées vont perdurer dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre. Au XVIIIe siècle s'y produit le « grand réveil biblique » comme quoi Dieu a choisi l'Amérique comme terre promise, terre de renaissance de l'humanité et de lumière. Le Nouveau Monde est celui du Renouveau, à l'opposé des royaumes corrompus de l'Ancien Monde. George Washington affirme que « chaque pas qui nous fait avancer dans la voie de l'indépendance nationale semble porter la marque de l'intervention providentielle ». La certitude que l'Amérique a été élue par Dieu pour une destinée particulière dans le monde imprègne des textes qui sont encore fondamentaux pour les Américains, comme la Déclaration d'indépendance, le Bill of Rights, la Constitution fédérale. Cette exaltation de la « destinée manifeste » de l'Amérique n'est pas réservée aux déclarations de personnages officiels. Ainsi au XIXe siècle, Herman Melville, l'auteur de Moby Dick, qui sera considéré bien plus tard comme l'un des plus grands romanciers américains, affirme : « Nous, Américains, sommes le peuple élu, l'Israël de notre temps, nous portons l'Arche des libertés du monde. » À l'issue de la Première Guerre mondiale, le président Wilson affirme : « L'Amérique est la seule nation idéale dans le monde [...]. L'Amérique a eu l'infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde [...]. Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice. » Ce genre d'idées perdure après la Seconde Guerre mondiale, lors de la confrontation avec l'empire athée qu'est l'Union soviétique. Le président Johnson déclare en 1965, lors des débuts de l'engagement des États-Unis au Vietnam, « l'histoire et nos propres oeuvres nous ont donné la responsabilité principale de protéger la liberté sur la terre », et Ronald Reagan affirme en 1982, après que les Soviétiques ont pris le contrôle de l'Afghanistan, que l'Amérique, « cette terre bénie a été placée à part, d'une façon particulière, qu'il y a un plan divin qui place ce grand continent entre deux océans pour être découvert par des peuples venus des quatre coins du monde avec une passion particulière pour la foi et la liberté ». En 1991, l'implosion spontanée de l'Union soviétique, l'autre superpuissance, considérée comme le symbole de l'athéisme et de la tyrannie, semblait apporter avec cette divine surprise la confirmation que l'Amérique était bien destinée à être la vraie et la seule grande puissance chargée de conduire l'ensemble de l'humanité. Le président Clinton, le 1er janvier 2000, termine son discours à la nation en confirmant sa mission universelle : « Si l'Amérique respecte ses idéaux et ses responsabilités, nous pouvons faire de ce siècle nouveau une époque de paix sans pareille, de liberté et de prospérité pour notre peuple comme pour tous les citoyens du monde. »
Ces propos solennels sur la « destinée manifeste » de l'Amérique sont tenus à une nation dont la religiosité est restée très forte, à la différence de la plupart des nations européennes.
Alors que, en Europe occidentale notamment, la religion a été peu ou prou impliquée dans les luttes politiques héritées de l'Ancien Régime - ce fut particulièrement le cas en France -, celles-ci n'ont guère de sens en Amérique, où les privilèges de la noblesse anglaise ont disparu avec la guerre d'indépendance. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'après le drame spectaculaire du 11 septembre 2001, George W. Bush, dans un climat d'extrême religiosité, ait fait appel à l'esprit de croisade contre l'« axe du Mal ». En Europe, cela a été jugé comme une bévue grandiloquente. En Amérique, c'était dans la norme des invocations tout à la fois religieuses et politiques. L'inégale prégnance des idées religieuses est sans doute la différence culturelle la plus profonde entre les Américains et les Européens. On pourrait dire qu'à cet égard les premiers sont plus proches des musulmans, et particulièrement des Arabes. Avec cette différence que ces derniers pleurent le rayonnement qu'a eu au Moyen Age l'empire qu'ils avaient conquis au nom de l'islam, alors que les Américains célèbrent la destinée de plus en plus manifeste de l'Amérique comme puissance mondiale, chargée par la Providence de gérer les affaires du monde. Il s'agit bien évidemment de ce que nous appelons une représentation, mais celle-ci a du poids, et ses conséquences géopolitiques sont considérables.

Lien : www.univ-paris8.fr/html/geopolitique/herodote109_lacoste.html
Revue Hérodote : www.univ-paris8.fr/geopo/geopolitique.php3?id_rubrique=2

 
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