La
fondation des Etats-Unis s’est réalisée
sur une base religieuse et idéaliste : les immigrants
européens arrivant dans le « nouveau monde
» voulaient y construire un état idéal,
qui s’opposerait aux états belligérants
et décadents de la vieille Europe. De là
découlent deux caractéristiques essentielles
et en partie contradictoires, nées aux XVIIè,
XVIIIè et XIXè siècles qui guident
encore aujourd’hui en grande partie les différents
concepts de la politique étrangère américaine
:
- d’une part, les Etats-Unis ont développé
une croyance en leur degré de perfection, ce
qui les a amenés à concevoir l’idée
d’une « destinée manifeste »,
c’est à dire d’une mission civilisatrice
qui leur était dévolue pour propager leur
modèle sur leur continent et au-delà (expansionnisme
messianique).
- d’autre part, les dirigeants américains
ont développé au fil des décennies
une tendance d’isolement (isolationnisme) afin
de protéger / préserver leur modèle
des interférences et "pollutions" de
la politique internationale.
Alors que l’année 2000 avait vu l’arrivée
au fauteuil de Président d’un homme élu
majoritairement sur un programme de politique intérieure,
quatre ans plus tard la nouvelle campagne présidentielle
de George W. Bush insiste beaucoup plus sur le bilan
de sa politique étrangère.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont en effet été
le déclencheur d’une politique étrangère
« hyper interventionniste » de la part des
Etats-Unis. Ce comportement s’est caractérisé
par des interventions armées à l’étranger
afin de renverser des régimes ne respectant pas
les standards démocratiques et libéraux
occidentaux. Ces actions ont été justifiées
par un discours hautement moral et religieux, développant
une vision du monde manichéenne et simpliste
(« L’axe du mal », « vous serez
avec nous ou contre nous ») dans lequel l’Amérique
se pose comme le phare de la liberté et le défenseur
de la démocratie. Cet aspect du discours des
officiels américains et l’unilatéralisme
dont a fait preuve l’administration Bush (elle
n’a pas tenu compte de l’avis de la communauté
internationale pour agir) ont provoqué des critiques
très fortes de cette politique, autant sur le
sol américain qu’à l’étranger.
Ainsi, John Kerry, le candidat démocrate aux
présidentielles de 2004 déclarait-il en
décembre 2003 : « tout simplement,
l’administration Bush a poursuivi la politique
étrangère la plus inepte, la plus arrogante,
et la plus idéologique dans l’histoire
moderne » (Discours au Council on Foreign
Relations, 3 décembre 2003). Peut-on dire, comme
le laisse supposer cette affirmation, que la politique
étrangère de l’équipe Bush
constitue réellement une rupture avec les idées
et la pratique de ses prédécesseurs ?
Le public européen et français a été
choqué par les formules de l’administration
Bush, largement relayées par les médias.
Pourtant les notions auxquelles elles font appel (messianisme,
destinée manifeste des Etats-Unis, thème
de la croisade, lutte pour la démocratie et pour
un monde meilleur) ne sont pas des créations
de l’équipe des « néoconservateurs
» et des intégristes chrétiens qui
entourent le Président. Elles font au contraire
référence aux fondements les plus lointains
de la politique étrangère des Etats-Unis.
Fondements qui ont été repris, adaptés,
remodelés par les différentes administrations
au fil du temps et du contexte international.
C’est à ce voyage à travers les
fondements de la politique étrangère américaine
que nous vous convions, afin de mieux comprendre les
débats et les enjeux d’aujourd’hui,
ainsi que leur évolution dans une ligne du temps
qui ne se limite pas aux coups d’éclats
de l’actualité des médias.
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