La France
La
laïcité de la République Française
figure en bonne position dans le texte constitutionnel
en vigueur, à savoir dans la Constitution de
1958. En effet, la laïcité est affirmée
dès le premier article de notre Constitution
qui dispose que « La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale
». Si la République Française ne
reconnaît et ne salarie aucun culte, comme le
précise la loi du 9 décembre 1905, chaque
français a droit à une appartenance religieuse
ou à une non appartenance religieuse.
Histoire de la laïcité française
L’histoire de la laïcité en France
peut être divisée en deux moments, comme
l’a bien mis en évidence Jean Baubérot
dans une grande partie de ses écrits. Il parle
ainsi des « deux seuils de laïcisation ».
Dans les lignes qui suivent, nous reprendrons, très
rapidement, les évènements sur lesquels
le Professeur Baubérot insiste.
Tout d’abord, la Révolution Française
met fin à une monarchie de droit divin, et à
l’ordre considéré comme voulu par
Dieu : à partir de cette date, la France
ne se perçoit plus comme « la fille ainée
de l’Eglise ».
Ensuite, la Constitution Civile du Clergé du
12 juillet 1790 (nationalisation des biens de l’Eglise)
introduit une première rupture. Le Concordat
de 1801 se charge d’apporter un premier règlement
de ce conflit avec par exemple la création du
mariage civil et de l’état civil. C’est
le « premier seuil de laïcisation »
qui se caractérise par une mise sous tutelle
de l’Eglise par le pouvoir d’Etat. Trois
autres éléments fondamentaux de ce premier
seuil sont à relever : tout d’abord,
la fragmentation institutionnelle où la religion
est concurrencée par d’autres institutions
(médecine, école) qui s’émancipent
de son influence, ensuite la reconnaissance de la légitimité
sociale de la religion, qui reste une institution de
socialisation et assure un service public reconnu et
enfin le pluralisme des cultes reconnus.
Pour terminer on arrive à une égalité
formelle de cultes, séparés de l’Etat.
Deux dates sont à retenir, outre la loi sur les
associations du 1er juillet 1901 : il s’agit d’abord
de l’année 1882, année de la loi
Jules Ferry sur l’instruction publique obligatoire.
Il s’agit ensuite de l’année 1905,
année de la loi de séparation des Eglises
et de l’Etat, qui abolit le Concordat de 1801
et qui met fin au système des « cultes
reconnus ». La loi de 1905 dispose ainsi que «
la République assure la liberté de conscience.
Elle garantit le libre exercice des cultes » (mais)
« ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne
aucun culte ». On a là le « second
seuil de laïcisation » qui se caractérise
par, comme le premier seuil, trois éléments.
Tout d’abord, il y a une dissociation institutionnelle
: la religion peut fonctionner en interne comme institution,
mais socialement, elle prend une forme analogue à
l’association. Par ailleurs, il faut noter l’absence
de légitimité sociale institutionnelle
de la religion : les préceptes moraux de la religion
ne sont ni imposés ni combattus par la puissance
publique. Et enfin, la liberté de conscience
et de culte fait partie des libertés publiques
sans distinction entre les cultes reconnus et d’autres
non reconnus.
La laïcité française et les droits
de l’homme
Pourquoi la France tient-elle autant à « sa »
laïcité ? Pour la France, qui se considère
historiquement comme le pays des droits de l’homme,
cette laïcité est apparue au fil de son
évolution comme un cadre protecteur des droits
de l’homme, ainsi que le souligne Jean Baubérot
dans son article précédemment cité
« la laïcité à l’épreuve
des droits de l’homme ».. Ainsi, Ferdinand
Buisson (19 ème siècle) dans son Dictionnaire
de pédagogie rappelle que la laïcité
doit concourir à « l’égalité
de tous les Français devant la loi, la liberté
de tous les cultes, la constitution de l’état
civil et du mariage civil, et en général
l’exercice de tous les droits civils désormais
assuré en dehors de toute condition religieuse ».
Cependant, vue de l’extérieur, la laïcité
« à la française »
peut sembler synonyme d’intolérance religieuse,
ce qui est inconciliable avec le respect des droits
de l’homme. La laïcité « à
la française » cache pour certains
un refus français du pluralisme religieux. Deux
épisodes de notre histoire ont pu, selon Jean
Baubérot, contribuer à donner à
notre laïcité sa sulfureuse réputation
d’intolérance. Le premier épisode
réside dans la Terreur, durant laquelle Maximilien
Robespierre (1758-1794) institue une religion civique
et combat l’athéisme. Des catholiques pourchassés
pour leurs convictions trouvent refuge en Angleterre.
Le second épisode est lié aux lois de
1901 et de 1904, faites en partie pour réglementer
les congrégations. La loi de 1901 sur les associations
prévoit que la création de toute nouvelle
congrégation nécessite une loi avec débat
parlementaire et que l'ouverture d'un nouvel établissement
d'une congrégation reconnue nécessite
un décret du gouvernement. La loi de 1904 prive
tout citoyen français membre d'une congrégation
de la possibilité d'enseigner et elle fait donc
des religieux des citoyens privés d'une partie
de leurs droits. Trente mille congréganistes
quittent alors la France.
La laïcité française, héritière
de la Révolution de 1789, celle des droits de
l’homme, apparaît alors comme l’adversaire
de la religion catholique, opposition qui se retrouve
dans ce que l’on qualifie de « combat
des deux Frances » durant le 19 ème
siècle. De cette opposition naît l’impression
que la laïcité est une alternative à
la religion catholique et l’on en revient à
la « religion civile », née
dans le livre IV du chapitre 8 du Contrat social
de Jean Jacques Rousseau. Combattant la religion catholique,
la laïcité trouve alors à s’exprimer
essentiellement dans le système éducatif,
puisqu’elle permet de lutter contre le financement
public des écoles privées. Sa constitutionnalisation
en 1946, par le premier article du texte fondamental
de l’éphémère IVème
République « La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale »
n’entraîne pas une plus large utilisation
de cette laïcité que celle qui existait
jusque là, à savoir une utilisation au
sein du système scolaire. Sa seconde constitutionnalisation
en 1958 toujours dans l’article premier qui reprend
exactement la formulation du texte de 1946 n’entraîne
pas non plus une autre utilisation de la laïcité.
La question de la laïcité a été
réactivée en France par la présence
d’une minorité musulmane croissante qui
a déplacé le terrain de la laïcité.
D’une laïcité combattant la religion
catholique, presque hissée au statut de religion,
on est passé à une laïcité
protectrice d’un espace public qui se veut laïque.
La laïcité apparaît alors comme limitative
de la religion. La question de l’école
catholique semble réglée ou marginalisée
par ce que l’on nomme « les affaires
du foulard ». Jean Baubérot relève
ainsi que « tout se passe comme si le foulard
réglait définitivement le problème
de « l’école catholique »
sous contrat et comme s’il fallait disposer d’un
nouvel adversaire pour pouvoir vraiment faire la paix
avec l’ancien ».
Les limites actuelles de la laïcité en
France
Cette laïcité française se trouve
donc actuellement confrontée à trois obstacles
principaux qui se cristallisent essentiellement autour
de l’islam et des populations musulmanes. Ceci
est lié d’une part à l’histoire
coloniale et d’autre part à l’immigration.
Jean Marcou et Jean Paul Burdy, dans leur article précédemment
cité « histoire et actualité
de la laïcité en France et en Turquie »
relèvent trois éléments :
- Tout d’abord, nous sommes face à des
difficultés relationnelles entre l’Etat
et l‘islam de France. Ceci est dû à
la diversité géographique des fidèles,
à la diversité des références
doctrinales (sunnisme, chiisme), à la diversité
des statuts juridiques et sociaux et à la diversité
des référents étatiques extérieurs
(Arabie Saoudite, Maroc). Pour traiter ces difficultés,
les ministres de l’Intérieur, en charge
des Cultes, ont essayé de créer des
organes représentatifs (cf. le Conseil du Culte
Musulman) et ce dans l’optique de la structuration
d’une consistoire islamique comparable aux consistoires
protestant et juif.
- La construction et le financement des lieux de culte
musulmans posent aussi problème. Il s’agit
d’une exigence sociale réelle qui rencontre
cependant de nombreux obstacles. Ces obstacles peuvent
être culturels et sociaux (une certaine frange
de l’électorat est hostile à ces
constructions et craint les troubles de voisinages),
voire politique et juridique (refus appuyés
sur des plans d’occupation des sols appelés
aujourd’hui plan local d’urbanisme etc.).
Un rapport de 1990 (rapport Marchand à
l’Assemblée Nationale) estimait malgré
tout qu’ « en tout état de cause,
le financement étatique est préférable
à l’intervention des pays d’origine
».
- Enfin, on ne peut pas ne pas citer le fameux foulard
islamique. La loi sur « les signes religieux
ostensibles à l’école »
du 15 mars 2004 (loi qui est surtout une loi sur le
port du voile au regard des statistiques 2004/2005
car la loi n’a été appliquée
que pour deux croix et onze turbans et les autres
chiffres renvoient au voile). Un article du Monde
daté du 26 août 2005 en dresse un bilan
positif. Au regard des statistiques, il semble que
le port du voile à l’école est
un phénomène ultra minoritaire, neuf
cas sur dix se règlant par le retrait du signe
religieux ostensible.
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