Comprendre> Les femmes et la République en France - La République au féminin
 
 
Le combat des femmes sous la Troisième République (1871-1940)
 
La femme, symbole de la République
 
 
 
L'Etat Républicain s'installe à la fin du XIXème siècle sans pour autant reconnaître à la moitié de ses ressortissants le statut de citoyen. Pourtant, la République prit pour symbole une femme : Marianne. Durant cette troisième République La " mariannolâtrie" permit aux femmes de bénéficier de quelques avancées civiles, notamment dans les domaines de l'instruction, du droit du travail et de l'accès aux professions, même si en terme juridique, le Code Napoléon pesait de tout son poids contre l'émancipation juridique des femmes. Politiquement, le mouvement féministe stagnait du fait que le mouvement féministe n'accordait pas la priorité aux droits politiques.
 
 
 
La question du droit de vote et du mouvement féministe : les différentes stratégies
 

Maria Deraismes et Léon Richer
Maria DeraismesLe couple leader du féminisme, Maria Deraismes et Léon Richer, hésite à s'engager sur le terrain politique par anticléricalisme, craignant l'influence réactionnaire de l'Eglise mais aussi parce qu'ils estiment que la République est encore trop fragile. Ainsi, la tendance dominante du féminisme resta longtemps modérée, ce qui explique que Léon Richer avait interdit que l'on parle du droit de vote des femmes à son congrès de 1878.

Hubertine Auclert
Hubertine AuclertLa première suffragette française, Hubertine Auclert, pensait que le droit de vote devait être le préalable nécessaire à toute évolution pour les femmes. C'est en possédant le suffrage universel que les femmes pourraient accéder au progrès politique et social. Hubertine Auclert fit donc passer l'émancipation politique des femmes en priorité, avant l'émancipation civile. Elle obtient un vif succès sur le terrain politique mais elle ne fut pas relayée dans ses actes par les politiciens de l'époque.
Elle décida alors de recourir aux méthodes des suffragettes anglaises, qui choquaient l'opinion publique. Ainsi, après avoir reçu son avis d'imposition de 1880, elle refusa de s'acquitter de ses impôts estimant que, ne votant pas, elle n'avait pas à payer. Elle finit cependant par payer, après avoir mené sa procédure jusque devant le Conseil d'Etat. Mais elle avait fait le lien entre droit électoral et le droit civique, lien qu'elle défendit âprement dans son journal " La Citoyenne ", fondé en 1881.
La tombe d'Hubertine Auclert au Père-Lachaise, à Paris : "Suffrage aux femmes"Hubertine Auclert, en soulignant les spécificités que pourraient apporter les femmes grâce au droit de vote, mettait le doigt sur un point important : le vote des femmes devait avoir un effet de moralisation sociale. Cette conception devait profondément marquer le féminisme français de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Les femmes pensaient que leur vote permettrait d'entreprendre de grandes réformes sociales et de garantir la paix. Ainsi, les suffragettes des années 1920 brandissaient-elles des pancartes " pour supprimer les taudis ", " pour combattre l'alcoolisme ".
Joseph Barthélémy reprit cette thèse, expliquant que la femme devait pouvoir faire valoir politiquement ses préoccupations de mère et de travailleuse au même titre qu'elle le faisait en formant des syndicats. C'est grâce à leur sensibilité différente que les femmes apporteraient quelque chose de neuf dans la vie politique.

Ces approches utilitaristes du droit de vote féminin expliquent que les partisans de ce droit de vote aient été largement recrutés dans les milieux catholiques et modérés. Ainsi, l'émancipation de la femme se confondait-elle avec la défense de l'Eglise, de la famille et de la patrie.

Le féminisme en France resta cependant timoré, parcouru qu'il était par deux stratégies :
- l'une, considérant le mouvement féministe comme une fin en soi, espérait convaincre les hommes,
- l'autre, cherchant à faire admettre les femmes par la République en combattant les hommes.

Jusqu'à la première guerre mondiale, les mouvements féministes ne furent qu'épisodiques, marqués par des regroupements, des ruptures et des mésententes.

 
 
 
Le mouvement suffragiste : renforcement et divisions
 

Société pour l'Amélioration du Sort des Femmes - Début du XXème SiècleEn 1888, le CIF (Conseil International de la Femme) est fondé. Les féministes américaines incitent alors les françaises à se fédérer. En 1901, la branche française du CIF est crée, le CNFF (Conseil National des Femmes Françaises). Mais la désillusion est grande pour celles désireuses de confier leur cause au mouvement socialiste, unifié en 1905 lors de la création de la SFIO. Ainsi, Madeleine Pelletier, qui dirigeait le cercle " la Solidarité des femmes " depuis 1906 écrivait " le parti socialiste a le vote des femmes dans son programme mais n'en parle jamais, il n'y pense pas davantage ".
La mollesse des socialistes à l'égard du droit de vote féminin tenait au caractère révolutionnaire du parti, qui retardait son adhésion au principe même du suffrage universel, à la fin du XIXème siècle. Pour les socialistes, les problèmes politiques seraient résolus par l'instauration du socialisme. Ils invitaient ainsi les féministes à mettre leur effort au service du parti.

Au sein même du mouvement féministe, des interrogations demeuraient : devait-on revendiquer l'ensemble des droits politiques, ou les fractionner ? En cas de fractionnement des droit politique, quel critère adopter ? âge des femmes ? Niveau d'instruction ? statut matrimonial ? Ces divergences ne faisaient qu'affaiblir le mouvement féministe.
Parmi les nombreuses actions entreprise par les femmes, au nom de l'égal accès des hommes et des femmes aux différents secteurs professionnels, il faut souligner qu'en 1897 apparut le journal " La Fronde ", entièrement dirigé, administré, rédigé et composé par des femmes. Sa fondatrice, Xème Congrès de l'Alliance pour le Suffrage des Femmes - 1926Marguerite Durand, était la fille de l'auteur d'un Dictionnaire des femmes célèbres. Ancienne sociétaire de la Comédie Française elle s'était orientée après son mariage avec un député vers le métier de journaliste.
Les états généraux du féminisme se tinrent en 1929. Y participa une tendance généralement absente : le féminisme catholique, qui espérait que le droit de vote ferait échec aux laïcs. A l'ordre du jour des états généraux : la réunion de toutes les activités féminines en vue des réformes souhaitées, parmi lesquelles la suppression de l'incapacité civile de la femme mariée, et les droits civiques. A court terme, le principal succès des états généraux fut d'ordre symbolique : la presse rendit abondamment compte de l'événement, et les actualités filmèrent les participantes faisant preuve de leur sérieux.

Manifestation organisée par Louise Weiss - Années 30Dans les années 1930, de nouvelles militantes en faveur de l'émancipation politique des femmes apparurent, telle Louise Weiss, fondatrice de l'association " La Femme Nouvelle ", qui militait pour l'égalité des droits civiques entre Français et Française. Dans la lignée des suffragistes françaises et britanniques, Louise Weiss décida de divertir au lieu de prêcher : elle inventa des évènements qui attirèrent l'attention de la presse. Ainsi, pour sa première tournée en province, elle recruta les trois plus célèbres aviatrices du moment, à savoir Maryse Bastié, Adrienne Bolland et Hélène Boucher. Autre exemple : le 28 juin 1936, lors du Grand Prix de Longchamp, les féministes se précipitèrent sur la piste en brandissant des affiches " La Française doit voter ".

 
 
 
1900-1944 : les sénateurs et la question du droit de vote
 

A partir de 1900, quelques projets de loi reprirent l'idée d'un droit de suffrage " non intégral ". Ainsi, Viviani (féministe convaincu) proposa en 1900 d'admettre les femmes mariées à participer au suffrage municipal.

Au service de la France - Lles décorées de la Grande GuerreLa Première Guerre Mondiale allait démontrer que les femmes étaient indispensables au bon fonctionnement de l'économie et de la société : agricultrices, receveuses des postes, ouvrières dans les usines d'armement, conductrices de tramways, infirmières, travaillent 13 heures par jour, même les dimanche, ... pour des salaires inférieurs à ceux des hommes... Cependant, malgré l'évidence de la capacité des femmes à travailler, il leur fut demandé dès le 13 novembre 1918 de quitter leurs postes pour céder la place aux hommes pas encore revenus du front !
En 1919, les choses semblèrent se débloquer : la République ne pouvait demeurer muette face à cette dette patriotique et sociale à l'égard des femmes. A la Chambre des députés, la commission du suffrage universel rouvrit le dossier et proposa de donner le droit de vote pour les seules élections municipales à toutes les femmes de plus de trente ans. La Chambre des députés alla plus loin et accorda le droit de vote aux femmes sans aucune autre restriction que celles s'appliquant aux hommes.

Mais le Sénat bloqua obstinément le dossier. Clemenceau affirma ainsi que le droit de vote était un droit naturel, mais que les femmes étaient insuffisamment éduquées et qu'elles constituaient des proies trop faciles à manipuler (il pensait alors à l'influence de l'Eglise, surtout dans les campagnes). En 1935, le même schéma se produisit.

Les années 20-30 virent se multiplier les mouvements suffragistes et féministes en France, à l'exemple des mouvements britanniques.

 
Illustration sur ce que l'on pensait de l'emploi des femmes à des fonctions de cadres supérieures dans l'Administration en 1925 : Fac Simile d'une note de renseignements de la Direction du Contrôle Central et des Contributions de la Ville de Paris (format PDF) - Lire >>>
 
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