« La première
victime d’une guerre, c’est la vérité
». *
Lorsqu’il fit cette réflexion en 1917,
le sénateur américain Hiram Johnson se
doutait-il que tout au long du XXème siècle,
la vérité demeurerait toujours la première
victime des guerres, et ce malgré l’émergence
des démocraties et de l’information «
en temps réel » ? Démocraties, Médias,
Citoyens, Guerres, Télévision, Images,
Terrorisme, Spectacle, Bien et Mal, Droit International,
Guerres justes et propres, Guerres saintes, Islamistes,
Vérité, Mensonges, CNN, Al-Jazeera, Kaboul,
Bagdad, New-York, RER Saint-Michel… Ces mots,
ces images, ces situations « vécues »
à distance par la majorité des habitants
de la planète, que signifient-ils réellement
à une époque où les actes terroristes
et les guerres se déclenchent à des heures
de grande écoute devant un maximum de caméras
? Dans le monde entier, chacun a ainsi regardé,
éberlué, deux avions se précipiter
sur des tours à New-York, et ce quasiment en
direct. Durant toute la journée du 11 septembre
2001, les télévisions de la planète
ont relayé des scènes d’horreur
que, désormais, nous avons tous le sentiment
d’avoir « vécues ». Puis la
guerre en Afghanistan apparaissait sur nos écrans,
dans nos journaux et sur les ondes grâce à
près de 3000 journalistes venus de tous les pays.
Eux-mêmes donnèrent un nouveau nom à
l’Afghanistan : le « Journalistan »...
Une nouvelles fois, les informations parvenaient « à
chaud » sur les téléviseurs
du monde entier à l’heure du dîner,
mais nous apportaient-elles l'essentiel, à savoir
la compréhension des faits relayés ?
En 1991, lors de la guerre du Golfe, des milliards d’individus
ont suivi quotidiennement des scènes similaires
: missiles, avions, soldats, bombardements de nuit,
images de désert, journalistes, caméras,
micros, briefings…
En 2003 l’Irak à son tour et à nouveau
sur la scène médiatique dans le cadre
d’une autre « guerre juste »,
celle du « Mal contre le Bien »,
une guerre « contre le terrorisme »
pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne...
Et, chaque soir, devant nos écrans, des Palestiniens
jettent des pierres devant des caméras, des soldats
israéliens tirent sur des Palestiniens qui jettent
des pierres devant des caméras, des « volontaires
de la mort » appelés à tort « kamikazes
» font également la une des médias...
Mais que sait-on réellement de ces conflits,
des belligérants, des fanatiques et des terroristes
?
« Vérité : Qualité
de ce qui est conforme à la réalité
».**
Les images s’enchaînent les unes à
la suite des autres et nous montrent donc la réalité
du monde… la « vérité »
du monde, en quelque sorte… Mais où se
trouve la « vérité »,
lorsque des bombardements ou des actes terroristes sont
programmés pour se déclencher à
l’heure des journaux télévisés ?
Lorsque des soldats, émeutiers, rebelles ou terroristes
programment ou déprogramment leurs actions en
fonction de la présence ou de l’absence
de caméras, ne peut-on se poser la question de
la sincérité même de leurs actes
? Et, pour aller plus loin : faut-il nécessairement,
pour qu’une cause soit connue du « grand
public », déclencher une guerre devant
des caméras ? Les guerres, conflits, rébellions,
prises d’otages, attentats qui continuent ailleurs
dans le monde et dont « on ne parle pas »,
devront-ils prendre une « forme médiatique »
pour devenir une réalité, une « vérité »
et ainsi exister aux yeux du monde ? Le constat
est bien triste en ce mois de décembre 2004 :
alors que les terroristes bénéficient
d’une large audience et que quelques événements
graves triés sur le volet alimentent chaque jour
nos médias, des journalistes se retrouvent bien
souvent malgré eux à jouer le rôle
de simple relais de transmission d’idées
fausses et de luttes faussées.
Que ce soient les propos d’un président
américain illuminé par la grâce
d'un dieu auquel il attribue toutes les vertus de sa
propre culture ou d’un Ben Laden, nos médias
relaient les faits, les gestes et les paroles.
Les guerres médiatiques se déroulent désormais
en direct et selon des scénarios bien établis,
ces guerres revêtent des vérités
multiples selon que l’on suit les relais de Al-Jazeera
ou de CNN, les actes terroristes deviennent de véritables
« spectacles »... et les télévisions
transmettent, relaient, diffusent sans interruption
des images qui n’expliquent pas grand chose, et
ce au détriment d’une masse de faits qui
ensanglantent quotidiennement la planète et dont
on ignore l’essentiel.
C'est pourquoi ce dossier de l'association
Thucydide tente d'apporter des clés de compréhension
sur le terrorisme, grâce à des contributions
d'auteurs, spécialistes de la question, et avec
l'aide de la revue Questions Internationales.
Ils répondent à de nombreuses questions
qui nous ont été posées, tant sur
l'histoire que sur les formes et la médiatisation
du terrorisme.
Et afin que chacune et chacun puisse se faire une idée
de la réalité des enjeux liés au
terrorisme, nous mettons également à votre
disposition une bibliographie et une webographie composées
de références que nous avons consultées
avec sérieux.
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* Déclaration du sénateur américain
Hiram Johnson en 1917, lors de l’entrée
en guerre des Etats-Unis.
** Définition du Dictionnaire Universel Hachette
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