Comprendre> Les fondements de la politique
étrangère américaine (Dossier Sept. 2004)
Pratiques et évolution
de la politique étrangère : 1991-2004,
un Nouvel Ordre Mondial ?
George Bush (1989-1993) : créer l’après-guerre
froide
George Bush eut la charge difficile d’être
le premier président américain depuis près
de 50 ans à faire passer le monde de
l’ancien système international bipolaire
de la Guerre Froide à un nouveau contexte mondial
dans lequel les Etats-Unis avaient le statut d’unique
grande puissance. Le président, qui appartenait
à la branche « réaliste » et
gestionnaire des reaganiens s’attacha, dans un contexte
international très instable, à créer
de nouveaux liens avec l’ancien ennemi russe et
ses satellites qui proclamaient alors tour à tour
leur indépendance. Décider des nouveaux
objectifs de politique étrangère des Etats-Unis
dans le monde de l’après Guerre Froide, il
lança, avec ses conseillers, le concept de «
Nouvel Ordre Mondial », éminemment
wilsonien, puisqu’il se basait sur le respect du
droit international et des grandes institutions de coopération
: « Nous nous devons aujourd’hui,
en tant que peuple, d’avoir une
intention de rendre meilleure la face de la nation et
plus douce la face du monde » (George
Bush, Current Documents, 1989, p. 4).
C’est en partie au nom de ce nouvel ordre mondial
que les Etats-Unis s’opposèrent militairement
à l’invasion du Koweït par l’Irak
en 1990-1991, et ce dans le cadre d’une politique
multilatéraliste, puisque la coalition dirigée
par les Etats-Unis s’était constituée
dans le cadre officiel des Nations Unies. Cependant, cette
guerre, dite « Guerre du Golfe »,
allait avoir des conséquences désastreuses
dans les années 1990 et le début du XXIème
siècle : la présence américaine sur
les lieux saints de l’islam et l’évidente
hégémonie économique et militaire
des Etats-Unis révélèrent au monde
entier que l’on était bien passé à
une autre ère de l’histoire des relations
internationales… Les Etats-Unis allaient-ils devenir
les « gendarmes du monde », voire imposer
au monde entier leur système de valeurs ?
Clinton : le retour des démocrates
(1992-2000)
L’originalité de Bill Clinton a été
d’étendre à la sphère économique
le concept de sécurité nationale américaine.
« Wilsonien pragmatique », il a lié
le libéralisme économique au modèle
démocratique. Bill Clinton a ainsi conduit une
politique de soutien aux pays les plus prometteurs dans
ces deux domaines, afin de rendre le monde plus sûr
pour les démocraties et les Etats-Unis.
« Notre
stratégie de sécurité nationale
est donc fondée sur l’objectif d’élargir
la communauté des démocraties de marché
tout en dissuadant et en limitant la gamme des menaces
qui pèsent sur notre nation, nos alliés
et nos intérêts. Plus la démocratie
et la libéralisation politique et économique
s’imposeront dans le monde, notamment dans
les pays d’importance stratégique pour
nous, plus notre nation sera en sécurité
et plus notre peuple sera susceptible de prospérer ».
Extrait du document Stratégie de sécurité
nationale présenté par le Conseil
de sécurité Nationale de l’administration
Clinton (1994 et 1996)
Contrairement aux réalistes, Clinton a favorisé
le Soft power (Pouvoir attractif) aux dépens du
Hard power (pouvoir coercitif, notamment les moyens
militaires). Ce concept de Soft power, qui est «
la capacité d’arriver à ses fin par
un pouvoir de séduction et d’attirance, plutôt
que par la menace ou la marchandage. », a été
défini par Joseph S. Nye, secrétaire adjoint
à la Défense de 1994 à 1995. Il s’appuyait
notamment sur la coopération internationale et
donc le multilatéralisme. Cependant, la politique
étrangère de Clinton devint de plus en plus
unilatéraliste sous l’influence du Congrès
très conservateur. Bill Clinton enregistra des
demi-succès : Accords Rabin-Arafat en 1993 et accords
de Wye Plantation en 1998, mais remise en cause de ces
progrès en 2001 ; intervention et victoire de l’OTAN
en 1999 au Kosovo, mais persistance des conflits dans
la région, entre autres.
George W. Bush : les néoconservateurs
et l’hyper-terrorisme (2000- …)
Comme plusieurs ouvrages (America is back, Washington
et le monde…) et documentaires (Fahrenheit
9/11, le monde selon Bush) le notent, il convient
d’abord de souligner a quel point le nouveau
président Bush est apparu en novembre 2000 comme
peu intéressé par les questions de politique
étrangère, laissant envisager un isolationnisme
modéré (projet du bouclier antimissile
).
Mais le poids de l’entourage du président
et l’accélération des événements
suite aux attaques-attentats du 11 septembre 2001 ont
provoqué un grand changement de stratégie
internationale des Etats-Unis. Dans l’équipe
présidentielle composée essentiellement
de néo-conservateurs (v.def) d’obédience
reaganienne, les modérés, des gestionnaires
réalistes (Colin Powell, Secrétaire d’Etat,
Condoleezza Rice, secrétaire à la Sécurité
Nationale), s’effacent derrière le poids
des extrémistes (Donald Rumsfeld, Ministre de
la Défense, Paul Wolfowitz, son conseiller, et
John Ashcroft, ministre de la justice), qui font partie
des wilsoniens réalistes.
Ces néo-conservateurs (V. annexe explicative)
cherchent à façonner le monde selon les
valeurs américaines, comme désirait le
faire le président Wilson au début du
XXème siècle, comme le montrent nombre
d’interventions du président Bush, dont
celle du 12 septembre 2001 : « nous avons trouvé
notre mission ». Mais, comme Roosevelt, ils emploient
des moyens « musclés » (menaces et
coercition militaire) pour arriver à leur fins,
et non l’instauration et le respect de règles
internationales. C’est pourquoi Pierre Hassner,
spécialiste des Etats-Unis, qualifie leur politique
de « wilsonisme botté ».
Les
attaques-attentats du 11 septembre, en provoquant un
choc psychologique important, ont ainsi constitué
une véritable opportunité à une
partie de l’équipe présidentielle
de George W. Bush. En effet, les « faucons »
de l’administration Bush, formés dans le
contexte de la Guerre froide, recherchaient un moyen
de conserver une marge de supériorité
et la puissance étasunienne, qui ne se justifiait
plus dans le contexte des années 1990.
Le 11-septembre a été le déclencheur
d’une nouvelle forme de conflit, celle d’une
gigantesque puissance contre ce que George W. Bush a
nommé « l’axe du Mal »…
Mais quel est cet « axe du Mal » ?
Des Etats aussi différents et sans relations
comme la Corée du Nord et l’Iran ?
Des Etats autoritaires ? La civilisation et la
religion musulmanes ? Le terrorisme ? Mais
peut-on faire la guerre contre le terrorisme, alors
que ce terme ne désigne qu’un moyen de
faire la guerre, et non une idéologie, un système
économique, une religion, une culture ou une
civilisation, et encore moins un Etat ?